Morphisme d'intégration & Microsupport de faisceaux

à Emmanuel Andronikof

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Le point de départ des travaux que l'on décrits ici vient de l'article Intégrales de Nilsson et faisceaux constructibles d'Emmanuel Andronikof qui décrit le cas compact. Marc Guastavino en a généralisé le propos au cas non compact. Le propos en est, dans le cadre de la théorie des faisceaux (voir Sheaves on Manifolds de Masaki Kashiwara & Pierre Schapira, avec une introduction historique de Christian Houzel), de reformuler la notion d'intégrale sur une famille de chemins (telle que décrite dans \cite{Pham} ou \cite{Leray} par exemple) dans un cadre plus général, puis ayant fixé une forme holomorphe multiforme, de voir quels arguments fonctoriels simples de géométrie permettent notamment d'en contrôler les singularités lorsque le cycle d'intégration varie.

On remarquera que le morphisme d'intégration que l'on définit, correspond à la notion usuelle d'intégrale de chemin lorsque celle-ci est définit, mais continu à exister dans des cas où la notion usuelle n'est pas définie.

Prolégoménes

Conventions

Les variétés que l'on considère sont supposées paracompactes, et une variété complexe est supposée orientée par le choix de $\sqrt{-1}$.

Notations

Une absence d'indice dans un symbole $\otimes$ ou ${\cal H}om$ sous-entend que l'anneau de base est $\mathbb{C}$.

Si $M$ est une variété analytique réelle, on désigne par $w-\mathbb{R} -c(M)$ (resp. $\mathbb{R} -c(M)$) la catégorie des faisceaux faiblement $\mathbb{R} $-constructibles (resp. la catégorie des faisceaux $\mathbb{R} $-constructibles).

Si $X$ est une variété analytique réelle, on désigne par $w-\mathbb{C} -c(X)$ (resp. $\mathbb{C} -c(X)$) la catégorie des faisceaux faiblement $\mathbb{C} $-constructibles (resp. la catégorie des faisceaux $\mathbb{C} $-constructibles), par ${\cal O}_X$ le faisceau structural, par $\Omega _X$ le faisceau des formes holomorphes de degré maximum, par $X_\mathbb{R} $ la variété réelle sous-jacente.

Intégration

Soient $X$ et $Y$ deux variétés complexes de dimensions (complexes) respectives $d_X$ et $d_Y$, $f : Y \rightarrow X$ un morphisme lisse. On pose $d=d_Y - d_X$. On rappelle que l'intégration de Leray sur un cycle relatif $\gamma _x$, consiste en l'accouplement \[ \Gamma (f^{-1}(x);\Omega_{Y/X}) \otimes H_d(f^{-1}(x);\mathbb{C} _Y) \ni \omega \otimes \gamma _x \mapsto \int _{\gamma _x} \omega \in {\cal O}_{X,x} \] où $\Omega_{Y/X}$ est le faisceau sur $Y$ des formes relatives holomorphes de degré maximum ($d$) ($\Omega_{Y/X} = \Omega_Y \otimes _{f^{-1}{\cal O}_X} f^{-1} \Omega_X^{\otimes -1}$, où $\Omega_Y$ désigne le faisceau des formes holomorphes de degré maximum ($d$) sur $Y$).

On va maintenant redéfinir la notion de cycles relatifs, puis étendre cette notion à celle de famille continue de cycles relatifs. Enfin, après avoir défini ce que l'on appelle fonction holomorphe multiforme, on donnera une nouvelle notion d'intégration, qui sous certaines conditions, coincidera avec la notion d'intégrale de Leray.

Cycles relatifs

Soient $U$ un ouvert de $Y$, et $x \in f(U)$. Un cycle relatif de dimension maximum au-dessus de $X$ (ou $d$-cycle), est représenté par une $d$-chaîne dans $U \cap f^{-1}(x)$. Un $d$-cycle est donc par définition une classe d'homologie $\gamma _x \in H_d(f^{-1}(x);\mathbb{C}_{ f^{-1}(x)})$. Une variété complexe étant considérée orientée (par le choix de $\sqrt{-1}$), la dualité de Poincaré donne l'isomorphisme $$ H_d(f^{-1}(x);\mathbb{C} _{f^{-1}(x)}) \simeq H_c^{d}(f^{-1}(x);\mathbb{C} _{f^{-1}(x)}) $$. $\gamma _x$ peut donc être vue comme une classe de cohomologie à support compact, et même comme la fibre $$ \gamma _x \in H_d(f^{-1}(x);\mathbb{C}_{f^{-1}(x)}) \simeq H_c^{d} (f^{-1}(x);\mathbb{C} _{f^{-1}(x)}) = H^d(Rf_!\mathbb{C} _X)_x $$ Ce qui nous amène à définir une famille continue de cycle relatif comme étant une section globale $\gamma \in \Gamma(X;H^d(Rf_!\mathbb{C} _X ))$. On poura étendre cette notion non plus seulement à $\mathbb{C} _X$, mais à tout faisceau localement constant sur $X$.

Définition

On appelle famille continue de cycle relatif toute section globale $\gamma \in \Gamma(X;H^d(Rf_!L))$ où $L$ est un faisceau localement constant sur $X$.

Par abus de langage, on dira que $\gamma$ est tracé dans $U$ ouvert de $X$, si $\gamma$ est dans l'image de $\Gamma(X;H^d(Rf_!\mathbb{C} _U)) \rightarrow \Gamma(X;H^d(Rf_!\mathbb{C} _X))$, et on dira alors qu'un ensemble contenant $U$ est un voisinage de $\gamma$.

Fonctions holomorphes multiformes

Si l'on cherche à définir le logarithme complexe sur le disque unité pointé $\tilde{D} =\{ z \in \mathbb{C} \backslash \{ 0\} $ tel que $|z|<1\}$, on ne peut pas le définir comme une vraie fonction, mais uniquement comme une fonction multiforme (i.e. on dit qu'une fonction continue $g(t)$ de la variable complexe $t$, définie dans un ouvert simplement connexe de $\tilde{D} $ est une détermination de $\log t$ si pour tout $t$ dans cet ouvert, on a $\exp(g(t))=t$ (autrement dit, si $g(t)$ est l'une des valeurs possibles de $\log t$)). Une autre manière de définir le logarithme complexe est de ne plus le définir sur $\tilde{D} $ lui-même, mais sur son revêtement universel $\tilde{D} ^*$. Tout revêtement universel (unique à isomorphisme près) étant simplement connexe, le logarithme complexe y est défini globalement. Le choix précédent d'une détermination de $\log t$ revient au choix d'une point, du revêtement universel, dans la fibre au-dessus de $t$.

De façon plus générale, soit $Y$ une variété analytique complexe. Si $g \in {\cal O}_{Y,y}$ est un germe holomorphe en $y \in Y$ tel que $g$ se prolonge holomorphiquement le long de tout chemin dans $Y$ issu de $y$, alors $g$ définit (de manière non unique) une section holomorphe globale d'un revêtement universel de $Y$ (le choix de la section dépend du choix d'un point du revêtement qui se projette sur $y$).

Inversement, si $p : Y^* \rightarrow Y$ est un revêtement (non ramifié quelconque) et $g \in \Gamma(Y^*;{\cal O})$ est donnée, tout choix d'un point $y^* \in Y^*$ définit (de manière unique) un germe de fonction holomorphe $g_y \in {\cal O}_{Y,y}$, où $y=p(y^*)$, qui se prolonge holomorphiquement le long de tout chemin dans $Y$ issu de $y$ et on dira, comme c'est l'usage, que $g$ est une fonction holomorphe multiforme définie sur $Y$.

 

Soit $p : Y^* \rightarrow Y$ un revêtement universel de $Y$. On définit une fonction holomorphe multiforme $\varphi$ comme étant une section globale $\varphi \in \Gamma(Y^*;{\cal O}_{Y^*})$, et les isomorphismes suivants \[ \Gamma(Y^*;{\cal O}_{Y^*}) = {\rm Hom} (\mathbb{C} _{Y^*};p^!{\cal O}_Y) = {\rm Hom} (p_!\mathbb{C} _{Y^*};{\cal O}_Y) = \Gamma(Y;{\cal H}om(p_!\mathbb{C} _{Y^*};{\cal O}_Y)) \] où la première égalité provient des identifications $p^!{\cal O}_Y = p^{-1}{\cal O}_Y \stackrel{\sim}{\rightarrow} {\cal O}_{Y^*}$ et la deuxième de la dualité de Poincaré-Verdier, détermine la définition suivante :

Définition

On appelle fonction holomorphe multiforme sur $Y$, une section globale $f \in \Gamma(Y;{\cal H}om(L;{\cal O}_Y))$, où $L$ est un faisceau localement constant sur $Y$. Si de plus $L$ est un système local (i.e. ${\rm dim} L_y < \infty \; \;\forall y \in Y$) on dit que $f$ est une fonction holomorphe multiforme de détermination finie sur $Y$. 

 

On remarque qu'en particulier les quotients de $p_!\mathbb{C} _{Y^*}$ sont localement constants.

Pour définir une fonction holomorphe multiforme sur un ouvert $U$ de $Y$, on utilise l'isomorphisme canonique \[ R\Gamma(U;R{\cal H}om(L;{\cal O}_U)) \simeq R\Gamma(Y;R{\cal H}om(j_!L;{\cal O}_Y)) \] où $j$ désigne l'immersion $U \hookrightarrow Y$. Une fonction holomorphe multiforme (resp. et de détermination finie) sur $U$ s'identifie canoniquement à une section de $\Gamma(Y;{\cal H}om(j_!L;{\cal O}_Y))$ où $L$ est un faisceau localement constant (resp. un système local) sur $U$.\\ Si $L$ est un système local sur $U$, on a $R{\cal H}om(L; {\cal O}_U) = DL \otimes {\cal O}_U$ où $DL = R{\cal H}om(L;\mathbb{C} _U )$ est le dual de $L$ (alors $DL$ est concentré en degré zéro, et c'est un système local). On a alors $$R\Gamma (U;R{\cal H}om (L;{\cal O}_U)) = R\Gamma(Y;Rj_*(DL \otimes {\cal O}_U)).$$ Une fonction holomorphe multiphorme de détermination finie sur $U$ s'identifie donc à une section de $\Gamma (Y;j_*(L' \otimes {\cal O}_U))$ où $L'$ est un système local sur $U$.

Intégration

Soit $j : U \hookrightarrow Y$, l'inclusion de l'ouvert $U$ dans $Y$. On pose $\tilde{f} := f \circ j : U \rightarrow X$.

Proposition (intégration)

Soit $L$ et $L'$ deux faisceaux localement constants sur $U$.

  1. On a un morphisme canonique \[ \Gamma (Y;{\cal H}om(j_!L;\Omega _{Y/X})) \otimes \Gamma (X ;H^d(R\tilde{f}_!L')) \rightarrow \Gamma(X;{\cal H}om(\tilde{f} _* (DL' \otimes L);{\cal O}_X)) \] noté $\omega \otimes \gamma \mapsto {\rm Int}_\gamma (\omega )$.

  2. ${\rm Int}_\gamma (\omega )$ ne dépend pas du choix d'un ouvert $U$ dans lequel $\gamma$ est tracé.

  3. ${\rm Int}_\gamma (\omega )$ se calcule fibre à fibre au sens suivant. Si $x \in X$ on a un morphisme canonique \[ \Gamma ( \tilde{f} ^{-1}(x);{\cal H}om(L;\Omega _{U/X})) \otimes H_c^d(\tilde{f} ^{-1}(x);L') \rightarrow {\cal H}om( \tilde{f} _*(DL' \otimes L);{\cal O}_X)_x \] et ce morphisme est compatible à i. vis à vis de la restriction.

  4. Si $DL' \otimes L$ est un faisceau constant, alors $\iota ({\rm Int}_\gamma (\omega )) \simeq \int _\gamma \omega$.

Précisons la notation de iv. Soit $\nu \in \mathbb{N} \cup \{ \aleph _0\}$ le rang de $DL' \otimes L$. Moyennant le choix d'un isomorphisme $DL' \otimes L \simeq \mathbb{C} _U^{(\nu )}$, on a un morphisme $\mathbb{C} _X^{(\nu )} \rightarrow \tilde{f} _*\mathbb{C} _U^{(\nu )} \simeq \tilde{f} _*(DL'\otimes L)$, d'où le morphisme $\iota : {\cal H}om( \tilde{f} _*(DL' \otimes L),{\cal O}_X) \rightarrow {\cal H}om (\mathbb{C} _X^{(\nu )} ,{\cal O}_X)= {\cal O}_X^\nu $, (qui ne sera défini canoniquement que si $\nu = 1$ (dans le cas $L=L'=\mathbb{C} _U$, $L=\mathbb{C} _U$ signifie que $\omega $ est uniforme sur $U$)).

On rappelle que l'intégrale de chaîne usuelle $\int _\gamma \omega $ est définie en écrivant $\gamma $ comme une somme de chaînes $\gamma ^i$, telles qu'il existe une détermination uniforme $\omega ^i$ de $\omega $ le long de $\gamma ^i$, et en posant $\int _\gamma \omega := \sum \int _{\gamma ^i} \omega ^i$.

Si $DL' \otimes L$ est un faisceau constant de rang fini, alors $\int _\gamma \omega $ est une fonction holomorphe uniforme définie sur $X$ tout entier.

Prolongement analytique

Soient de nouveau $f : Y \rightarrow X$ un morphisme complexe lisse de codimension $d$, $j: U \hookrightarrow Y$ une immersion ouverte, $\tilde{f} =f\circ j$, et $L$ et $L'$ deux faisceaux localement constants sur $U$. Nous allons fixer une forme différentielle multiforme $\omega \in \Gamma(Y;{\cal H}om (j_!L,\Omega _{Y/X}))$, puis étudier le morphisme de faisceaux sur $X$~: $\gamma \mapsto {\rm Int}_\gamma (\omega )$ induit par i. de la proposition supra. lorsque $\omega $ est fixée. Ce morphisme sera noté : $$ {\rm Int}(\omega ):H^d(R\tilde{f} _!L') \rightarrow {\cal H}om (\tilde{f}_* (DL' \otimes L),{\cal O}_X) $$

Définition

Soit ${\rm Int}(\omega )$ le morphisme de prolongement analytique (le long des cycles relatifs). Celui-ci est canoniquement identifié à la section globale : $$ {\rm Int}(\omega )\in \Gamma (X;{\cal H}om (H^d(R\tilde{f} _!L')\otimes (\tilde{f}_*(DL' \otimes L),{\cal O}_X)) $$

${\rm Int}(\omega )$ est défini indépendamment de toute hypothèse de propreté. Mais, si $f:Y \rightarrow X$ est propre sur $\overline{U} $, l'on peut facilement construire cette section de la façon suivante :

Le morphisme canonique : $$ R\tilde{f} _!L'[d] \otimes R\tilde{f} _*(DL' \otimes L) \rightarrow R \tilde{f} _!(L' \otimes DL' \otimes L)[d] \rightarrow R\tilde{f} _!L[d] $$ où le premier morphisme est une contraction et le second est induit par la trace $L' \otimes DL' \rightarrow \mathbb{C} _U$. Puisque $f$ est propre sur le support de $j_!L$, on peut écrire la chaîne de morphismes :

$R\tilde{f} _*R{\cal H}om (j_!L;\Omega _{Y/X})$$=$$R\tilde{f} _!R{\cal H}om (j_!L; \Omega _{Y/X})$

 $\rightarrow$$R{\cal H}om (Rf_*j_!L[d],Rf_!\Omega _{Y/X}[d])$

 $\rightarrow$$R{\cal H}om (R\tilde{f} _!L[d],{\cal O}_X)$

 $\rightarrow$$R{\cal H}om (R\tilde{f} _!L'[d] \otimes R\tilde{f} _* (DL' \otimes L), {\cal O}_X)$

 

où la deuxiême flêche provient du morphisme résidu $Rf_! \Omega _{Y/X}[d] \rightarrow {\cal O}_X$, et la dernière est induite par le morphisme plus haut.

On a donc construit le morphisme canonique $$ R\tilde{f} _*R{\cal H}om (j_!L;\Omega _{Y/X})\rightarrow R{\cal H}om (R\tilde{f} _! L'[d] \otimes R\tilde{f} _* (DL'\otimes L, {\cal O}_X) $$ et, en prenant les sections globales de sa cohomologie en degré zéro, on vérifie aisément qu'il induit le morphisme $$ \Gamma (Y,{\cal H}om (j_!L,\Omega _{Y/X})) \rightarrow \Gamma (X,{\cal H}om (H^d R\tilde{f} _!L' \otimes \tilde{f} _*(DL' \otimes L),{\cal O}_X)) $$ ${\rm Int}(\omega )$ est alors l'image de $\omega \in \Gamma (Y;{\cal H}om (j_!L,\Omega _{Y/X}))$ par ce morphisme.

Proposition (prolongement analytique)

Soient $x \in X$, $V$ un ouvert contenant $x$, et $\gamma _{x} \in H^d(R\tilde{f} _!L)_x$ un germe de $d$-cycle relatif en $x$. Supposons les conditions suivantes satisfaites :

  1. $DL' \otimes L$ est un faisceau constant de rang fini dans un voisinage de $\gamma _0$.
  2. $H^d(R\tilde{f} _!L') \otimes \tilde{f} _*(DL' \otimes L)$ est un faisceau localement constant sur $V$.

Alors l'intégrale $h:=\int _\gamma \omega$ est holomorphe sur un voisinage de $x$, et se prolonge en fonction holomorphe multiforme sur $V$, donnée par la restriction de ${\rm Int}(\omega )$ à $V$.

1. implique que $\omega $ est uniforme au voisinage de $\gamma _x$.

Démonstration

La proposition sur le morphisme d'intégration et la définition correspondante donnent l'existence d'un voisinage $W$ de $x$ tel que ${\rm Int}(\omega) _{|_W}$ est une fonction holomorphe uniforme et que $\iota ( {\rm Int}_\gamma (\omega ))=\int _\gamma \omega $ sur $W$. De plus, la condition 2. de la proposition de prolongement analytique dit que ${\rm Int}(\omega )$ définit une fonction holomorphe multiforme sur $V$.

Géométrie microlocale

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Théorème principal

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Cas non compact

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Annexes

Démonstrations

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